Événement passé

Un questionnement sur le poids du passé

Après un mois passé à arpenter la région du Chouf et les territoires alentours, à découvrir un pays dont l’histoire est si riche et si complexe à la fois, et creuser pour tenter de comprendre, Laurent Gongora n'a eu de cesse de percevoir des fantômes du passé. Un passé qui contrôle le présent. A travers les colonnes qui se dressent ostensiblement, à travers les fouilles
et les excavations, dans la surenchère de mémoriaux, mais aussi dans la parole. L’histoire récente donnant l’impression d’être subie comme un inévitable continuum. Plus globalement les ruines, antiques (partout dans le pays), modernes (la foire internationale de Tripoli…) ou contemporaines (le centre-ville de Beyrouth…) sont les témoins d’un passé dont le poids se fait ressentir
tant pour ses grandes heures que pour les plus sombres d’entre elles.

Des capsules temporelles créées par les habitants

Cette question obsédante des fantômes invoqués ou excavés a amené l'artiste à prendre le contrepied de la pratique de la fouille, préférant instaurer une dynamique dirigée vers l’avenir. Dans une démarche expérimentale qui pourrait s’apparenter à celle d’un faussaire, Laurent Gongora a enfoui des objets d’aujourd’hui, à destination du temps futur où ils seront déterrés. Une manière pour le présent de reprendre le contrôle. Ces capsules temporelles sont au cœur du projet. En tant que message adressé à soi-même,  ou même à toute personne susceptible de découvrir le ou les objets dans un futur lointain.

Laurent Gongora a animé cinq ateliers en lien avec les partenaires locaux de l'Institut français de Deir El Qamar des quatre coins du Chouf, et a créé avec 96 participants des objets s’inscrivant dans la tradition de la poterie ; les participants y ont glissé un mot. Un mot qui est adressé à eux-mêmes ou aux autres, et qui réapparaîtra en 2030, lorsque sera dévoilé l’endroit précis où l’objet est enfoui.

De haut en bas : ateliers à la municipalité de Baakline, à Cezar's Project (Barouk), Beit Sarmada (Batloun), Amurt (Kfar Nabrakh)

L'ensemble du projet de Laurent Gongora a été dévoilé aux participants, lors de l'exposition collective mettant en valeur les objets créés, à l'Institut français de Deir El Qamar le 3 décembre 2022. Cet événement a été, pour l'ensemble des participants, habitants d'une même région, l'occasion de se rencontrer et d'échanger autour d'une expérience commune.

Les poteries ont ensuite été enfouies par l'artiste dans cinq lieux du Chouf, dont l'emplacement sera dévoilé aux participants en 2030, grâce à une carte aux trésors.

L'artiste devient, dans ce projet, un médiateur, un passeur de paroles, un scénographe pour mettre en valeur les talents quotidiens.

Pour écouter Laurent parler de son projet, rendez-vous sur la page de l'émission "De vives voix" sur RFI, qui a consacré un épisode à la Villa Al Qamar.

Ce projet n'aurait pas été possible sans le Conseil culturel de la municipalité de Baakline, Cezar's project, l'ONG Amurt, Beit Sarmada, le CLAC de Barja, Charbel Jourdy et Haifa Okaily, que l'artiste et l'Institut français de Deir El Qamar remercient tout particulièrement.